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Une initiation aux Creative Commons

samedi 19 février 2011, par Valentin.

Ce matin, un mot dans ma boîte mail.


De : gribouillages@example·com
À : valentin@villenave·net
Objet : Demande de conseil

Bonjour,

je vous écris de la part de Florian Lauté qui m’a dit que vous pourriez me renseigner sur les licences Creative Commons.

En effet, je voudrais mettre en ligne des images (dessins) et des textes (histoires pour enfants). Je veux donc protéger mon travail. Je ne veux pas qu’il soit utilisé à des fins commerciales ni qu’il soit modifié. En gros je veux qu’il ne soit exploitable que par moi.

Je vous remercie d’avance de l’éclairage que vous pourrez m’apporter sur cela.

En vous souhaitant une bonne journée,

Délos


De : valentin@villenave·net
À : gribouillages@example·com

Bonjour,

Tout dépend de ce que vous entendez par « exploitable ». Puisque vous vous intéressez aux licences Creative Commons, vous avez sans doute déjà compris que plus vous accordez de libertés à votre public, plus avez de chances que vos travaux soient diffusés largement.

Tout dépend donc du degré de liberté que vous souhaitez accorder aux gens qui découvriront vos œuvres, et des droits dont vous souhaitez garder l’exclusivité : c’est le fameux « certains droits réservés » des licences Creative Commons, qui remplace la formule « tous droits réservés » du droit d’auteur traditionnel.

Vous parlez de restreindre les possibilités de modification ou d’utilisation commerciale ; les licences Creative Commons vous permettent effectivement de choisir de telles conditions. N’hésitez pas à consulter la liste des licences disponibles pour choisir celle qui vous ira le mieux.

Bon courage !

Cordialement,
V. Villenave.


De : gribouillages@example·com
À : valentin@villenave·net

Bonjour,

je vous remercie pour votre réponse. Sur le site des Creative Commons, j’ai regardé les 6 contrats proposés et je pense que celui qui me serait adapté serait le troisième : paternité, pas d’utilisation commerciale et pas de modifications. Sur ce point là je pense ne pas me tromper mais j’ai besoin de l’avis de quelqu’un qui s’y connait bien !

Bonne journée à vous,

Délos


De : valentin@villenave·net
À : gribouillages@example·com

Bonjour,

je comprends votre choix, et il n’appartient bien sûr qu’à vous. Cependant je voudrais souligner que ces différentes licences n’ont pas toutes les mêmes conséquences ni la même portée d’un point de vue éthique — même si Creative Commons les juxtapose de façon très simple en les présentant presque comme équivalentes (c’est d’ailleurs un reproche que l’on peut leur faire).

J’entends par là que chaque condition un peu restrictive que vous choisirez, peut avoir des conséquences imprévues et malencontreuses.

Ainsi, beaucoup d’auteurs se méprennent quant à la possibilité de « modification », et se réfugient vers la clause « pas d’œuvres dérivées » de crainte que l’on puisse porter atteinte à l’intégrité de leur œuvre. Ce qu’il importe de souligner, c’est qu’en aucun cas vous n’autorisez qui que ce soit à modifier votre œuvre originale : elle reste vôtre, et vous seul(e) en détenez la version « de référence ».

Si quelqu’un réalise une œuvre dérivée, alors ce sera, précisément, une nouvelle œuvre, dont il sera considéré comme co-auteur ; cependant, il sera bien évidemment tenu de mentionner votre nom, le titre de votre œuvre d’origine (ainsi que votre site web), et n’aura pas le droit de laisser entendre que vous le soutenez ou que vous approuvez cette nouvelle œuvre. Ces garanties sont communes à toutes les licences Creative Commons : il s’agit de la clause de Paternité (aussi appelée -by-).

Prenons maintenant le problème en sens inverse : supposons, comme vous l’avez évoqué, que vous choisissiez d’interdire la possibilité de créer des œuvres dérivées (c’est la clause pas d’œuvres dérivées, également appelée -nd-).

Voici quelques exemples de possibilités que vous interdisez ainsi : un internaute qui voudrait lire votre livre à voix haute pour en diffuser une version audio, ou bien se servir de vos dessins pour créer une vidéo ; un dessinateur ou un enseignant qui voudrait créer un livre de coloriages d’après vos dessins, tous ces gens-là seraient susceptibles d’être poursuivis en justice pour délit de contrefaçon, quand bien même ils n’auraient jamais cherché à s’approprier votre travail !

Certes, il leur suffirait de vous contacter et d’obtenir de votre part une permission en bonne et dûe forme, pour pouvoir créer leurs œuvres dérivées. Mais certains publics réalisent des travaux dérivés sans même s’en rendre compte : songez, par exemple, à une école qui partirait de votre histoire pour faire une mini-pièce de théâtre, ou fabriquer des déguisements imitant vos personnages, ou encore afficher dans le hall de l’école des dessins d’enfants inspirés de votre livre... Ce sont autant d’usages que je vous souhaite, car ils prouveraient que votre histoire a du succès !

Merci de votre attention,
V. Villenave.


De : gribouillages@example·com
À : valentin@villenave·net

Bonjour,

Merci beaucoup pour cette réponse détaillée. Je vais y repenser, mais les exemples que vous donnez sont tous liés à un cadre pédagogique ; n’y a-t-il vraiment aucun risque que d’autres gens se servent de mon travail pour se faire de l’argent ?

En vous remerciant d’avance,

Délos


De : valentin@villenave·net
À : gribouillages@example·com

Bonjour,

vous avez raison de soulever ce problème, qui est évidemment la hantise de la plupart des auteurs et pour lequel je n’ai pas, à ce jour, de réponse simple.

Vous avez remarqué qu’il existe dans certaines licences Creative Commons une clause pas d’utilisation commerciale. Ce type de licence est très populaire et il m’est moi-même arrivé de l’utiliser (par exemple pour mon premier opéra, dont je ne suis pas le seul auteur).

Comme dans le cas des œuvres dérivées dont je vous parlais précédemment, le fait d’interdire les usages commerciaux peut avoir des conséquences malheureuses. Ainsi, un blogueur qui apprécierait votre travail, mais aurait ne serait-ce qu’un minuscule encart publicitaire sur son blog, n’aurait pas le droit d’afficher le moindre de vos dessins. Ou encore, une classe d’école ne pourrait lire à voix haute une de vos histoires lors de la fête de l’école, s’il était demandé aux parents de payer 5 euros à l’entrée pour financer un voyage scolaire...

En d’autres termes, plutôt que de devoir vous demander une hypothétique autorisation ou de courir le risque de violer la loi, beaucoup de gens, plutôt que d’utiliser votre œuvre, préfèreront sans doute se rabattre sur d’autres ouvrages plus libres — ou au contraire, quitte à devoir demander et monnayer des autorisations, sur des ouvrages publiés sous le droit d’auteur classique.

Vous trouverez sans doute ces exemples outrancièrement misérabilistes ; mais reprenons mon exemple d’un dessinateur qui voudrait faire un livre de coloriage d’après vos dessins.

Supposons que vous ayez choisi d’autoriser les œuvres dérivées, et même d’autoriser les usages commerciaux : il a donc le droit de faire ce livre, et même de le vendre. C’est là que vous pouvez choisir de faire intervenir une nouvelle clause : partage des conditions à l’identique (nom de code : -sa-. En clair, ce dessinateur a le droit de publier son livre... mais uniquement sous la même licence que celle que vous avez choisie à l’origine. En d’autres termes, la licence se transmet à toutes les œuvres dérivées : ce principe de « contamination » est parfois nommé Copyleft.

Comme ladite licence (dans mon exemple) autorise les usages commerciaux, rien n’empêche notre dessinateur d’imprimer et vendre son livre. Cependant, il a également le devoir d’indiquer, sur chaque exemplaire, non seulement votre nom et le sien, mais également l’adresse de la page web où les lecteurs pourront se procurer gratuitement le livre d’origine (ou même vous en commander directement des exemplaires). De plus, il sera obligé d’indiquer aux lecteurs qu’ils ont le droit de photocopier librement son propre livre... et qu’ils peuvent même en diffuser des copies à leur tour.

En d’autres termes, si lui-même ne veut pas le diffuser gratuitement, quelqu’un finira par le faire pour lui — à commencer par vous-même. De même, un studio qui ferait un dessin animé d’après votre histoire... serait obligé de laisser diffuser son dessin animé gratuitement sur Internet, et d’autoriser, à son tour, toutes les œuvres dérivées. Dans ces conditions, peu de risques qu’un grand studio utilise votre travail sans vous demander l’autorisation de sortir du cadre de la licence — autorisation que vous serez probablement ravi(e) d’accorder moyennant une substantielle contrepartie financière !

Quelle que soit la licence que vous choisirez1, vous seul(e) pouvez, en tant qu’auteur, faire ce que vous voulez de votre œuvre, et décider d’autoriser telle ou telle personne à en faire tel ou tel usage. Ce droit que vous avez en tant qu’auteur, nul ne peut vous en déposséder : de fait, si vous aviez le moindre problème un jour, n’oubliez pas qu’une violation de licence est juridiquement exactement équivalent à une atteinte au droit d’auteur classique (vous disposez donc des mêmes recours judiciaires : courrier de mise en demeure, plainte pour contrefaçon, etc.).

Cordialement,
V. Villenave.


De : gribouillages@example·com
À : valentin@villenave·net

Bonjour,
Merci beaucoup pour cette réponse !

En effet, les choses sont beaucoup plus claires maintenant. Je vais donc y repenser, et certainement porter mon choix sur une autre licence que celle que j’avais dans l’idée. Si je vous comprends bien, ce serait sans doute une bonne idée que j’ouvre un site web pour y mettre mes travaux ?

Bonne journée

Délos


De : valentin@villenave·net
À : gribouillages@example·com

Bonjour,

Vous avez tout à fait raison : je vous conseille fortement d’avoir votre propre site web (et de préférence, de l’héberger vous-même plutôt que de dépendre d’un prestataire extérieur tel que les plateformes de blogs à la mode).

Ce sera indispensable pour présenter, diffuser et promouvoir vos créations : en faisant le choix d’adopter une licence alternative, vous ne pourrez pas compter sur un éditeur ou tout autre intermédiaire pour faire ce travail à votre place. (D’ailleurs même sans adopter une telle licence, je ne vous apprendrai rien en signalant qu’il est extrêmement difficile de trouver un éditeur, à plus forte raison un éditeur compétent et fiable.)

Ce site aura également une fonction indispensable : celle de permettre aux gens de vous trouver et de vous contacter. En trouvant pour votre site un nom original, vous n’aurez aucun mal à apparaître dans les moteurs de recherche : les gens vous trouveront sans mal, et pourront ainsi vous écrire pour éventuellement solliciter l’autorisation d’utiliser vos œuvres.

(Vous pouvez également inclure un bouton pour permettre aux gens de vous donner de l’argent : en tant qu’auteurs sous licences alternatives, nous avons un contact plus proche avec notre public et bénéficions ainsi, de temps à autres, de la générosité de nos visiteurs. Je dis juste ça comme ça.)

Dernier petit détail pas : sur le site que vous ouvrirez, pensez à indiquer la licence qui s’applique par défaut à tout ce que vous pourriez y publier. Je l’indique personnellement en bas-de-page, et j’utilise également le tout nouveau format Open Attribute qui sert précisément à cela.

Bon courage à vous !

V. Villenave.


De : gribouillages@example·com
À : valentin@villenave·net

Bonjour,

Merci pour tout ! J’aurais une dernière question à vous poser sur les licences. Pour information, j’ai changé d’avis et décidé prendre la licence paternité-pas d’utilisation commerciale- partage des conditions initiales à l’identique.

Ma question est simple. J’ai été voir le formulaire qui sert à choisir sa licence ; vaut-il mieux que je prenne une licence et que je l’applique à toutes mes productions sous un nom général comme « Gribouillages Productions » ou vaut-il mieux que je prenne une licence à chaque fois et donc que je mette le titre du dessin ou du texte ? Cela va certainement vous paraître bête comme question, mais elle me turlupine.

De plus j’aurais aimé savoir comment cela se passe une fois que le contrat est pris. Il me semble avoir compris que l’on détient alors un bout de code et un logo à mettre avec chaque production. Ai-je bien compris ?

En vous remerciant d’avance de votre réponse,

Délos


De : valentin@villenave·net
À : gribouillages@example·com

Bonjour,

félicitations pour votre choix de licence !

Pour être précis : adopter une licence, ce n’est pas « prendre » un contrat comme vous le dites. C’est proposer à vos lecteurs certaines libertés, qu’ils ont le choix de respecter ou non (s’ils ne souhaitent pas les respecter, alors c’est le droit d’auteur par défaut qui s’appliquent et ils n’ont plus qu’à vous contacter pour demander des autorisations adéquates).

En pratique, pour publier une œuvre sous quelque licence que ce soit, vous avez besoin d’indiquer deux choses : une mention de copyright, et la licence choisie. Le « bout de code » HTML que vous évoquez ne fait que cela, en incluant les liens appropriés. Mais vous pouvez le faire vous-même.

La mention de copyright, exactement comme pour toute publication Libre ou non, doit comporter le mot anglais « Copyright » et le signe ©, c’est une convention internationale. Elle doit également indiquer votre nom, et l’année où vous avez réalisé votre œuvre. Par exemple :

Copyright © Délos, 2011

L’indication de licence est moins figée et dépend de la licence que vous avez choisie. Certaines licences obligent à inclure le texte entier de la licence, qui fait plusieurs pages ! Dans le cas des licences Creative Commons, c’est heureusement un peu plus simple puisque vous avez la possibilité d’indiquer simplement l’adresse d’une page où se trouve la licence.

Cette œuvre est publiée sous licence Creative Commons paternité-pas d'utilisation commerciale-partage des conditions à l'identique, consultable à l'adresse http://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.0/fr

Pour plus de sûreté, et dans la mesure où vos créations sont destinées à être imprimées, je vous conseille vivement d’indiquer l’adresse de la licence en toutes lettres, même si cela ne vous empêche pas de faire un lien en plus.

Tout le reste est facultatif : un logo pour votre licence, l’adresse de votre site web (vivement recommandé !), une petite phrase d’explication... Voici un exemple :

Copyright © Délos, 2011 - http://gribouillagesdedelos.free.fr

Cette œuvre est publiée sous une licence Creative Commons Paternité -
Pas d'utilisation commerciale - Partage des conditions initiales à
l'identique. Vous pouvez la reproduire, la diffuser et en tirer des œuvres dérivées, dans les limites d'une utilisation non-commerciale, et à condition de respecter les termes de la licence, consultable à l'adresse
http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.0/fr

Si c’est juste un petit dessin, vous pouvez faire plus court : juste la mention de copyright, et le logo de la licence (avec un lien si c’est dans un document PDF).

Pour tous les documents que vous créez ou diffusez à l’aide d’un ordinateur, pensez à utiliser les métadonnées des documents : la plupart des formats d’image, ainsi que les PDF et bien d’autres formats, peuvent inclure des « tags » qui renseigneront les gens sur l’auteur d’origine du fichier, c’est-à-dire vous, et permettront à vos créations d’être plus faciles à répertorier et à retrouver.

N’oubliez pas que la mention de copyright et l’indication de la licence (avec le lien vers le texte de la licence) doivent absolument se trouver sur *toute* copie de l’œuvre ou de toute œuvre dérivée. Ne laissez pas diffuser des copies partielles sans mention de la licence ; vous pouvez même ajouter en bas de chaque page une mention plus courte, qui n’aura pas autant de valeur d’un point de vue juridique mais qui pourra s’avérer utile si des gens photocopient des pages volantes :

© Délos, 2011 - CC by-nc-sa - gribouillagesdedelos.free.fr

Voilà pour les conseils. C’était un peu long mais j’espère que cela répond à vos questions !

Cordialement,
V. Villenave


De : gribouillages@example·com
À : valentin@villenave·net

Bonjour,

J’ai ouvert mon propre site sous le pseudo de Délos, c’est sous ce nom que je veux faire circuler mon travail. Je vous en donne déjà l’adresse :

http://gribouillagesdedelos.free.fr

J’y mettrai les premiers contenus demain car il faut encore que je me batte quelques jours avec mon ordinateur avant que certaines illustrations soient finies !

Très bonne journée à vous, et encore mille fois merci pour vos explications. Tout est maintenant complètement limpide !

Délos.


Bon, c’est pas tout ça. Où en étais-je ? Ah oui, mon petit-déj...

Valentin.


[1Certains avancent même l’argument que la clause -sa- elle-même peut avoir des effets nuisibles, et préconisent de l’éviter afin que, par exemple, un éditeur n’y regarde pas à deux fois avant d’inclure un de vos dessins dans un livre scolaire.
J’avoue ne pas être emballé, personnellement, par l’idée de renoncer au Copyleft sous prétexte de ne pas effaroucher les éditeurs : c’est précisément pour ne pas m’inféoder à des intermédiaires obtus et avides que j’ai fait le choix des licences alternatives. Cependant je peux imaginer qu’une telle possibilité puisse être intéressante dans les pays anglo-saxons, où la possibilité (et parfois l’obligation) de céder son copyright peut effectivement tourner au dépouillement pur et simple pour les auteurs.

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