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Des raquettes et des timbres

dimanche 1er novembre 2009

Bonjour à tous,

comme vous en avez peut-être eu vent, j’ai récemment signé un « point de vue » dans la revue annuelle de la Fédération nationale des parents d’élèves de conservatoires.

Même si mon propos n’était pas du tout à vocation polémique, j’y faisais néanmoins état de quelques-unes de mes opinions, qui sont comme vous le savez pour le moins critiques vis-à-vis du monde de l’édition musicale « à l’ancienne » (et vis-à-vis duquel je me suis de toute façon grillé depuis un bon bout de temps ;)).

Il s’avère, comme je l’apprends à l’instant, que cette tribune n’a pas été sans susciter l’indignation d’éditeurs français, jusqu’à donner lieu à un droit de réponse et des menaces de poursuites pour diffamation.

Mon sang n’ayant fait qu’un tour, je me suis mis en devoir de relire l’article en question pour y chercher ce qui avait bien pu donner matière à une telle ire. Et l’ai trouvé. Par un raccourci malheureux, j’ai effectivement, rapproché les célèbres « timbres SEAM » d’un « racket annuel pour les conservatoires ».

C’est, sans aucun doute, un raccourci malheureux. Et je tiens à présenter mes excuses à ceux que j’ai pu choquer (éditeurs) ou mettre dans une position inconfortable (parents d’élèves) par l’emploi de cette formule.

Au demeurant, j’aimerais, à ma décharge, soulever quelques points qui ont pu me conduire à ce raccourci.

Une ébauche de logo pour le prochain timbre SEAM ?
(Je plaisante bien sûr. Malheureusement.)

Tout d’abord, la tribune en question devait obéir à une forte contrainte de calibrage, qui m’a conduit à diviser pour ainsi dire par deux la taille de mon texte d’origine. Dans un tel cas, deux solutions se présentent : couper ou condenser. Étant donné la nature complexe des problématiques abordées, j’ai tenté d’évoquer le maximum d’éléments possibles, en un minimum de place : en lieu et place de la longue phrase explicative d’origine, j’ai du me contenter de phrases nominales, entre parenthèses.

J’en viens maintenant au vif du sujet : en effet, il me fallait absolument parler des questions posées par le système de reprographie « timbrée » des conservatoires, qui constitue une problématique majeure pour qui s’intéresse à la diffusion du patrimoine musical écrit.

Commençons par le plus important : le système que j’évoque n’a rien d’illégal, et je suis le premier à le reconnaître. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai choisi ce terme : il ne me serait pas venu à l’idée, par exemple, de parler d’« extorsion » ou d’« escroquerie ». Je crois que le mot « racket », de nos jours, s’applique par extension à bien des formes de contraintes dont (pour certaines) la légalité ne fait pas débat ; ainsi, c’est en toute bonne foi que j’ai employé ce terme hyperbolique, sans qu’à aucun moment ne m’effleure l’éventualité qu’on puisse y voir l’imputation d’actes illégaux.

En quoi consiste ledit système ? Plutôt que de me fier à ma propre expérience, je vais ici citer un communiqué de 2007, publié par le syndicat CFDT, et en particulier le document PDF qui l’accompagne.

Les éditeurs de partitions réunis au sein de la SEAM (Société des éditeurs et des auteurs de musique) ont obtenu de la part du Ministère de la Culture le statut de SPRD (Société de perception et de répartition de droits) en matière de droit de reproduction par reprographie.

À ce titre, la SEAM bénéficie d’un monopole pour la perception de la reprographie des partitions dans les écoles et conservatoires[...].

Chaque année, la S.E.A.M. envoie à l’établissement signataire les plaquettes de timbres-S.E.A.M. correspondant aux fiches déclaratives. Ces timbres doivent être apposés sur chaque photocopie [de partition]. Ils restent valables pendant la durée de l’année scolaire et pas au-delà.

Les établissements qui souscrivent à cette convention s’engagent à une bonne collaboration avec la SEAM et seraient assurés « du regard bienveillant » de la SEAM.

Les établissements qui ne souscrivent pas une telle convention sont plus exposés que les autres au contrôle de la SEAM.

[...]

La SEAM a fixé unilatéralement ses prix dans les conservatoires contrairement aux conventions passées avec l’éducation nationale[...].

D’autre part, le système de timbres à apposer sur les photocopies à l’ère des nouvelles technologies semble d’un autre âge.

[...]

Enfin, l’opacité est de mise sur les œuvres du domaine public car rien n’est prévu au terme de la convention pour informer en continu les établissements d’enseignement musical de la liste des auteurs dont les œuvres sont dans le domaine public.

Les risques encourus pour les directeurs ou enseignants qui ne respecteraient pas la convention ou qui feraient des photocopies sont majeurs : une action en contrefaçon, peut conduire jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende.

Je me dois de signaler au passage que je n’ai aucun lien avec la CDFT, et que je ne partage pas un certains nombre de ses prises de position (y compris d’ailleurs certains passages du document cité). En revanche, je puis attester que, dans tous les conservatoires où j’ai pu officier, les quelques points soulevés ci-dessus correspondent bien, de façon générale, au sentiment d’insatisfaction partagé par les élèves, les enseignants et les administrations quant aux photocopies de partitions.

À ladite insatisfaction s’ajoute d’ailleurs un autre sentiment, qui n’est pas évoqué ci-dessus : la hantise permanente des « descentes » d’inspecteurs des sociétés de perception dans les conservatoires, qui peuvent à l’improviste venir traquer, dans les salles de cours, d’éventuelles photocopies non-autorisées. Ce dernier point me paraît, à lui seul, encore plus préoccupant que tout le reste.

Voilà ce que j’aurais voulu, ce que j’aurais dû résumer (en une dizaine de mots ?) dans mon article. Si j’ai employé ce raccourci, ce n’est donc qu’avec la certitude que mon lectorat escompté (parents d’élèves, enseignants,...) saurait sans le moindre doute à quelle réalité il faisait référence.

Souhaitons que, au-delà des choix de termes ou de ma modeste contribution, puisse ainsi s’ouvrir un débat de fond qui ne pourra que profiter à l’avenir des pratiques culturelles, et de la démocratie en général.

Valentin Villenave.

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