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Clavinova, mon ami

30 mars 2014, 15:29, par Valentin Villenave

Je note tout d’abord que votre appareil (d’une vingtaine d’années) a « cessé de fonctionner »... Ce qui illustre combien la durée de vie de ces ustensiles, comme je l’ai souligné, reste sans commune mesure avec celle d’un instrument véritable (indépendamment même des conditions d’entretien).

Pour répondre à votre question, techniquement, le Clavinova restitue effectivement des harmoniques (sans cela on ne reconnaîtrait même pas que c’est censé être un son « de piano »). Reste à savoir lesquels, et comment.

Tout d’abord, la quantité d’harmoniques émis par un piano est en corrélation directe (mécanique) avec la façon dont est attaquée la note (le geste de frapper la touche). Les fabricants de claviers électroniques ont cherché à reproduire cette corrélation (roucher dit « dynamique ») de plusieurs façons successives (à l’origine, il ne s’agissait que d’augmenter l’intensité du son, en d’autres termes, monter le volume — c’était probablement encore le cas à l’époque « du » flamboyant Clavinova que vous avez fréquenté et que j’étrille dans mon article) mais cela reste très éloigné du phénomène d’un piano.

Ensuite, les harmoniques émis par un piano sont fonction non seulement de la touche que l’on actionne, mais également des vibrations sympathiques des autres cordes (particulièrement quand la pédale est enfoncée, mais pas seulement). Là encore, les fabricants se sont employés à imiter ce système mais toujours au moyen d’un compromis : plus vous ajoutez de paramètres dans votre simulation, plus cela demande de puissance de calcul (donc non seulement des composants plus chers mais aussi une latence plus grande entre l’attaque de la touche et la restitution du son).

Enfin, et c’est là mon point essentiel, les phénomènes acoustiques d’un piano sont singuliers et, pour une part, imprévisibles. Depuis une douzaine d’années que j’invite mes élèves à se concentrer sur le son d’une note grave et à en identifier les harmoniques, je n’ai jamais vu deux pianos qui produisaient exactement les mêmes, ni même suivant la note que je choisissais et la façon dont je l’attaquais. Parfois (pour un do grave) c’est le mi du milieu qui ressort, parfois le sol intermédiaire... et bien souvent il faut attendre quelques secondes avant de le distinguer. Il y a là une espèce d’aventure (ce dont vous avez fait l’expérience vous-même), très éloignée du son pré-enregistré d’un clavier synthétique.

Non pas qu’il soit vain d’essayer de modéliser le son des instruments : d’un point de vue expérimental, théorique, scientifique, cela a été un champ d’études très riche de ces cinquante dernières anneés. Ce contre quoi je milite est l’industrialisation et la commercialisation de cette modélisation, en particulier l’ahurissante (et efficace, si j’en juge par les commentaires sous le présent article) quantité de baratin-marketing qui accompagne ce nouvel impérialisme. Jouer sur un vrai piano n’est pas la même activité qu’appuyer sur des poussoirs en plastique ; prétendre que le clavier électronique « remplace » avantageusement le piano est à peu près aussi honnête que de vous faire croire que vous savez conduire parce que vous jouez à un jeu vidéo de rallye.

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