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Franz Schubert : Erlkönig

18 juin 2012, 00:40, par Valentin Villenave

Comment l’avez-vous deviné : je n’ai effectivement aucun intérêt pour la musique de J.-S. Bach, ce qui me vaut les reproches récurrents de certains musicologues (mais de peu de musiciens, en fait). Comme dans le cas de votre commentaire précédent, je dois m’avouer passablement lassé de l’idolâtrie irrationnelle que l’on cache sous le mot de « génie ». Est-ce la marque d’un « esprit borné » que de chercher à appréhender et expliquer le monde en faisant usage de Raison ? Dans ce cas, je prendrai votre remarque comme un compliment. (Ou peut-être considérez-vous que la Musique et l’Art en général, objets immatériels et propices à l’émotion, doivent échapper à notre perception raisonnée du monde ? Tel n’est pas mon point de vue : il n’y a pas de différence fondamentale entre concevoir des morceaux de musique et fabriquer des tabourets, du moins c’est ainsi que je tente d’exercer ma profession, et beaucoup d’autres comme moi.)

Ensuite, et pour éviter que vous ne me fassiez dire ce que je ne dis pas : savoir si Bach est un grincheux ou non, ne me préoccupe pas — sa musique m’amène rarement à m’esclaffer, mais il se peut que je sois simplement imperméable à ses finesses d’écriture. Pour autant, l’apport historique de J.-S. Bach à l’évolution des langages musicaux me semble indéniable, et la modernité de certains traits d’écriture a de quoi impressionner même trois cents ans plus tard. À cet égard, c’est un compositeur sur lequel on ne doit en aucun cas faire l’impasse ; j’ai travaillé et joué beaucoup de répertoire de Bach (pas toujours avec entrain, mais j’en reconnais l’importance et l’utilité), et j’en fais travailler à quasiment tous mes élèves. Je leur fais observer certaines subtilités d’écriture, certains détails qui ont connu une postérité très importante jusque dans les langages actuels ; je ne leur impose pas, néanmoins, je ne sais quelles considérations crypto-mystiques quant au « génie » de l’auteur ou de supposés symboles (notamment religieux) codés dans ses partitions — à quelques exemples avérés près, notamment dans ses travaux en rapport avec la société Mizler.

Le regard que je pose sur notre Gustav préféré, est du même ordre : analytique et historique (puisque vous brocardez vous-même l’attitude qui consisterait à dire que « c’est joli et cela sonne bien » sans y avoir « un tant soit peu réfléchi »). Je vous concède sans aucun problème que c’est un compositeur digne de ce nom, doté de quelques caractéristiques assez reconnaissables (par exemple la cadence plagale en majeur mais avec un IVe degré mineur), et qui connaît très bien l’orchestration ; ayant dit tout cela, je me rends compte que sa musique ne m’intéresse guère, et je cherche à l’expliquer.

Peut-être est-ce parce que je me sens étranger à ses choix de formes : « grandes » symphonies, « grands » Lieder avec orchestre (quand bien même il en rédige, au moins dans un premier temps, une version au piano). Ou bien, à son ton : assez peu (voire pas du tout) de facétie, de culot, de surprises. Et surtout, à son esthétique : Malher passe complètement à côté de l’enjeu esthétique (et social) majeur de son temps, à savoir la réflexion sur les formes et les langages, et la prise de conscience que les systèmes dits « classiques » n’étaient ni universel ni absolu, mais historiquement et géographiquement délimités — et de ce fait, dispensables.

À l’effervescence artistique de son époque, Mahler (ou ses suiveurs Zemlinsky et Strauss) oppose une absence totale de renouveau : on prend Brahms et Wagner, et on refait plus ou moins la même chose, en moins recherché (en ce qui concerne Brahms), en forçant un peu sur les dégoulinures chromatiques pour satisfaire à l’appétence d’expressivité pseudo-« dissonante » du public d’alors. Alors bon, c’est parfois efficace, souvent très reconnaissable, et ça fonctionne très bien sur une bande-son de film (cf Korngold, ou Mahler lui-même chez Visconti) ; mais ça ne me paraît pas indispensable. Ce qui, notez-le bien, n’ôte rien à votre droit d’avoir un point de vue divergent !

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