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Fidèles ou Libres ?

9 août 2008, 23:30, par Valentin Villenave

Nous sommes d’accord sur l’importance de la rigueur d’une édition. Il existe nombre d’exemples tels que ce si bécarre/bémol, et cela se complique d’autant lorsque l’on à affaire à des compositeurs qui faisaient eux-même des erreurs, ou encore dont on a pu retrouver plusieurs version différentes.

« Interpréter » une pièce de façon un peu personnelle, même au prix de quelques entorses, ne veut pas forcément dire que l’on ne fait pas confiance à la partition.
La notion que nous pouvons aujourd’hui avoir du respect d’une partition n’est que toute relative, et je tiens à insister sur ce point :

  • Avant le XVe siècle (en gros), l’on n’éprouvait pas le besoin de noter la musique avec une précision extrême (rythmique, mélodique, harmonique). Pas plus, en cherchant bien, que l’on n’attachait d’importance majeure au fait de savoir qui était l’auteur d’une pièce.
  • Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, la partition était considérée comme un support sur lequel l’on pouvait broder assez librement (ornements, augmentations, cadences, vocalises et j’en passe). La notion d’intégrité d’une oeuvre n’existait pour ainsi dire pas : il était courant et admis de joindre des bouts de différents auteurs, différentes époques, au sein d’une même oeuvre.
  • À partir du XIXe siècle, il semble que les choses se fixent davantage. Mais d’ailleurs, qu’en sait-on vraiment ? Les Lieder ou mélodies, par exemple, étaient indifféremment chantés par des femmes et des hommes, et dans des tonalités complètement aléatoires sans aucun égard pour la tonalité dans laquelle les pièces étaient écrites, ni pour le plan tonal des cycles de mélodies.
  • Au XXe siècle, le fait que les interprétations soient fixées sur des supports (cylindres, 78 tours, puis bande et données numériques) change peu à peu la donne. Il suffit d’écouter des enregistrements de la première moitié du siècle (y compris Rachmaninoff ou Bartok) pour réaliser à quel point la technique et la rigueur des interprètes d’alors n’avait rien à voir avec celle de nos musiciens-athlètes modernes. Et je ne parle même pas du respect du style (baroque, classique, tout était joué pareil)...
  • En vérité, le prétendu « respect » de l’oeuvre, de la partition, de l’auteur, du style, n’est donc que notre vision, notre air du temps. Si cela se trouve cette mode passera, et ce sera dans l’ordre des choses.

À ce titre, si la « vulgarisation » et le « joli vendable » s’avèrent être au goût du public pour les prochaines décennies, je ne sais pas si nous avons d’autre choix que d’en prendre notre parti. Ce serait, après tout, un signe que la musique écrite vit encore, est encore jouée, est encore suffisamment flexible pour s’adapter à l’air du temps, et cela me paraît plutôt encourageant. Mais la grande différence est que (je le crains) les dés sont pipés aujourd’hui, et l’on fabrique la mode et les engouements prétendument « populaires » pour nous donner en pâture tel ou tel produit de consommation.

J’ai d’ailleurs cessé d’acheter (et d’écouter) le moindre enregistrement depuis une dizaine d’années, et que rien ne me terrifie davantage que le fait de transformer le patrimoine artistique en produits de consommation culturelle. C’est pourquoi, là encore, je défends bec et ongles l’idée que les citoyens doivent se réapprorier ce patrimoine, qu’il doit être diffusé et interprété librement, sans subir constamment les coups de boutoir (esthétiques, juridiques, commerciaux, politiques, que sais-je) de l’industrie et des puissants.

Ces petits forums sont un lieu idéal pour ce genre de discussion ; je t’invite à poursuivre la conversation ici-même, et avec ton accord je reprendrai ensuite ce dialogue dans un article à part entière :-)

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